CICERON, DE AMICITIA CHAP. II (1)

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 CICERON, DE AMICITIA CHAP. II (1)

 

 


II. FANNIUS. Sunt ista Laeli. Nec enim melior vir fuit Africano quisquam, nec clarior. Sed existimare debes, omnium oculos nunc in te esse conjectos: unum te sapientem et appellatn et existimant. Tribuatur hoc modo M. Catoni; scimus L. Atilium apud patres nostros appellatum esse sapientem; sed uterque alio quodam modo: Atilius, quia prudens esse in jure civili putabatur; Cato, quia multarum rerum usum haberet (multa ejus et in senatu, et in foro, vel provisa prudenter, vel acta constanter, vel responsa acute, ferebantur), propterea quasi cognonem jam habebat in senectute sapientis. Te autem alio quodam modo, non solum natura et moribus, verum etiam studio et doctrina esse sapientem; nec sicut vulgus, sed ut eruditi solent appellare sapientem, qualem in Graecia meminem (nam qui septem appellantur, eos, qui ista subtilius quaerunt, in numero sapientum non habent): Athenis unum accepimus, et eum quidem etiam Apollinis oraculo sapientissimum judicatum. Hanc esse in te sapientam existimant, ut omnia tua in te posita ducas, humanosque casus virtute inferiores putes. Itaque ex me quaerunt, credo item ex hoc (Scaevola), quonam pacto mortem Africani feras: eoque magis, quod his proximis Nonis, quum in hortos D. Bruti auguris, commentandi causa, ut assolet venissemus, tu non adfuisti, qui diligentissime semper illum diem et illud munus solitus esses obire. SCAEVOLA. Quaerunt quidem, C. Laeli, multi, ut est a Fannio dictum: sed ego id respondeo, quod animadverti, te dolorem, quem acceperis quum summi viri, tum amicissimi morte, ferre moderate; nec potuisse non commoveri, nec fuisse id humanitatis tuae: quod autem his Nonis in collegio nostro non adfuisses, valetudinem causam, non maestitiam fuisse. LAELIUS. Recte tu quidem, Scaevola, et vere. Nec enim ab isto officio, quod semper usurpavi, quum valerem, abduci incommodo meo debui; nec ullo casu arbitror hoc constanti homini posse contingere, ut ulla intermissio fiat officii. Tu autem, Fanni, qui mihi tatum tribui dicis quantum ago nec agnosco nec postulo, facis amice: sed, ut mihi videris, non recte judicas de Catone. Aut enim nemo, quod quidem magis credo, aut, si quisquam, ille sapiens fuit. Quomodo, ut falia omittam, mortem filii tulit! Memineram Paullum, videram Gallum: sed hi in pueris; Cato in perfecto et spectato viro. Quamobrem cave Catoni anteponas ne istum quidem ipsum, quem Apollo, ut ais, sapientissimum judicavit. Hujus enim facta, illius dicta laudantur. De me autem, ut jam cum utroque loquar, sic habetote.


II. FANNIUS.Vous avez raison, Lélius. Jamais homme ne fut ni meilleur, ni plus illustre que l'Africain. Mais vous devez penser que maintenant tous les yeux sont tournés vers vous: c'est vous seul qu'on regarde comme sage, vous seul qu'on appelle de ce nom. De nos jours, M. Caton obtint aussi ce titre, nous savons que, chez nos pères, L. Atilius fut appelé le Sage mais tous deux durent ce surnom à des mérites différents: Attilius le dut à sa connaissance profonde du droit civil, et Caton, à son immense expérience; que de fois, en effet, et dans le sénat et sur le forum, il brilla par son admirable prévoyance, sa fermeté dans l'action, ses vives réparties! On le citait partout, et c'est ainsi que dans sa vieillesse il possédati déjà, pour ainsi dire, le surnom de sage. Pour vous, vous avez mérité ce titre d'une autre manière, non seulement par vos qualités naturelles et votre caractère, mais aussi par vos études et vos principes; vous êtes sage, non comme l'entend le vulgaire, mais comme le comprennent les gens instruits, et comme il n'en a jamais existé en Grèce (car tous ces juges délicats, ceux qu'on appelle les sept ne comptent pas au nombre des sages). A Athènes, il n'y en eut, dit-on, qu'un seul; c'est celui que l'oracle d'Apollon déclara le plus sage des hommes. Votre sagesse, à vous, telle qu'on la juge, consiste à placer tous vos biens en vous-même et à regarder la vertu comme supérieure à tous les événements humains. Aussi me demande-t-on, et à Scévola aussi, je crois, comment vous supportez la mort de l'Africain, surtout parce qu'on a remarqué aux Nones dernières, quand nous nous rendîmes tous dans les jardins de D. Brutus l'augure pour nos conférences ordinaires, vous étiez absent, vous qui jusqu'alors aviez été l'observateur le plus exact de ce jour et de ce devoir. SCEVOLA. Oui, Lélius, beaucoup de gens m'interrogent, comme l'a dit Fannius: et moi je leur réponds, ce que j'ai remarqué, que vous supportez avec modération la douleur que vous a causée la mort d'un si grand homme et d'un ami si cher; que vous n'avez pas pu n'être pas affecté, ce qui eût été contraire à la sensibilité de votre coeur, et que si aux dernières Nones vous n'avez point assisté à notre conférence, il faut en attribuer la cause à votre santé et non à l'excès de votre affliction. LELIUS. Vous avez raison, Scévola, et ce que vous dites est vrai. Je n'ai pas dû, pour une douleur qui m'était personnelle, me laisser distraire d'un devoir que j'ai toujours rempli tant que ma santé le permettait, et je ne pense pas que, dans aucun cas, un homme ferme puisse être autorisé à interrompre ses fonctions. Pour vous, Fannius, quand vous m'attribuez une gloire bien supérieure à ce que je mérite et à ce que je réclame, vous n'écoutez que votre amité pour moi; mais il me semble que vous jugez mal Caton. Ou jamais il n'y a eu de sage, et c'est assez mon opinion, ou s'il en eût existé, ce fut lui. pour ne citer qu'un seul trait, comment supporta-t-il la mort de son fils! J'avais entendu parler de Paul Emile, j'avais vu Gallus; mais ceux-ci n'avaient perdu que des enfants, Caton perdait en son fils un homme fait et déjà éprouvé. Gardez-vous donc de mettre personne au-dessus de Caton, pas même celui qu'Apollon, selon vous, déclara, le plus sage des hommes. On vante les paroles de Socrate; mais on loue les actions de Caton. Pour ce qui est de moi, et maintenant je m'adresse à tous deux, voici ce que vous devez penser.


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