CICERON, PRO MILONE, CHAP. V
CICERON, PRO MILONE, CHAP. V
Sequitur illud, quod a Milonis inimicis saepissime dicitur, caedem in qua P. Clodius occisus est senatum iudicasse contra rem publicam esse factam. Illam vero senatus non sententiis suis solum, sed etiam studiis comprobavit. Quotiens enim est illa causa a nobis acta in senatu! quibus adsensionibus universi ordinis, quam nec tacitis nec occultis! Quando enim frequentissimo senatu quattuor aut summum quinque sunt inventi qui Milonis causam non probarent? Declarant huius ambusti tribuni plebis illae intermortuae contiones, quibus cotidie meam potentiam invidiose criminabatur, eum diceret senatum non quod sentiret, sed quod ego vellem decernere. Quae quidem si potentia est appellanda—potius quam aut propter magna in rem publicam merita mediocris in bonis causis auctoritas, aut propter hos officiosos labores meos non nulla apud bonos gratia,—appellatur ita sane, dum modo ea nos utamur pro salute bonorum contra amentiam perditorum. Hanc vero quaestionem, etsi non est iniqua, numquam tamen senatus constituendam putavit. Erant enim leges, erant quaestiones vel de caede vel de vi; nec tantum maerorem ac luctum senatui mors P. Clodi adferebat, ut nova quaestio constitueretur. Cuius enim de illo incesto stupro iudicium decernendi senatui potestas esset erepta, de eius interitu quis potest credere senatum iudicium novum constituendum putasse? Cur igitur incendium curiae, oppugnationem aedium M. Lepidi, caedem hanc ipsam contra rem publicam senatus factam esse decrevit? quia nulla vis umquam est in libera civitate suscepta inter civis non contra rem publicam. Non enim est illa defensio contra vim umquam optanda, sed non numquam est necessaria. Nisi vero aut ille dies quo Ti. Gracchus est caesus, aut ille quo Gaius, aut quo arma Saturnini oppressa sunt, etiam si e re publica oppressa sunt, rem publicam tamen non volnerarunt. |
Une seconde objection souvent présentée par nos ennemis, c'est que le sénat a jugé que le combat où Clodius a péri est un attentat contre la sûreté publique. Cette action cependant, le sénat l'a constamment approuvée, non-seulement par ses suffrages, mais par les témoignages éclatants de sa bienveillance pour Milon. Combien de fois cette cause a-t-elle été discutée dans le sénat, avec une faveur hautement manifestée par l'ordre tout entier? En effet, dans les assemblées les plus nombreuses, s'est-il jamais rencontré quatre sénateurs, ou cinq tout au plus, qui aient été contraires à Milon? Je ne veux d'autres preuves que les harangues avortées de ce tribun incendiaire, qui chaque jour accusait ma puissance, prétendant que le sénat décidait ce que je voulais, et non ce qui lui semblait juste. S'il faut nommer puissance ce qui n'est qu'une faible considération obtenue par de grands services rendus à la patrie, ou une sorte de crédit que mes soins officieux m'ont acquis auprès des gens de bien, qu'on lui donne ce nom, si l'on veut, pourvu que je l'emploie à défendre les bons citoyens contre la fureur des factieux. Quant à la commission présente , je ne dis pas qu'elle soit contraire à la justice; mais le sénat enfin n'a jamais pensé qu'elle dût être établie nous avions des lois, nous avions des tribunaux chargés de poursuivre le meurtre et la violence; et la mort de Clodius ne lui causait pas une douleur assez vive pour qu'il changeât rien aux anciens usages. Est-il croyable que le sénat, à qui l'on avait ravi le pouvoir d'ordonner une commission au sujet de l'adultère sacrilège de Clodius, ait voulu établir un tribunal extraordinaire pour venger sa mort? Pourquoi donc a-t-il jugé que l'incendie de notre palais, que l'attaque de la maison de Lépidus, que le combat même où Clodius a péri , sont des actes où l'ordre public a été compromis? C'est parce que, dans un État libre., tout acte de violence entre des citoyens porte atteinte à l'ordre public. L'emploi de la force contre la force est toujours un inconvénient, même lorsqu'il est une nécessité; car on ne dira pas sans doute que les mains qui frappèrent, ou Tibérius Gracchus, ou Caïus son frère, on Saturninus armé contre l'État, n'ont pas blessé la république, même en la sauvant. |
V. Illud sequitur, | V. Ceci vient-ensuite, |
quod dicitur saepissime | qui est dit très-souvent |
ab inimicis Milonis, | par les ennemis de Milon, |
senatum judicasse caedem, | le sénat avoir jugé le meurtre, |
in qua | dans lequel |
P. Clodius est occisus, | P. Clodius a été tué , |
esse factam | avoir été commis |
contra rempublicam. | contre la république. |
Senatus vero | Or le sénat |
comprobavit illam | a approuvé ce meurtre |
non solum suis sententiis, | non seulement par ses suffrages, |
sed etiam studiis. | mais encore par ses sympathies. |
Quoties enim | Combien de fois en effet |
illa causa | cette cause |
est acta a nobis | a-t-elle été discutée par nous |
in senatu ? | dans le sénat ? |
quibus assensionibus | avec quelles marques-d'assentiment |
ordinis universi ? | de l'ordre tout entier ? |
quam | et combien éloignées d'être (ces marques) |
nec tacitis, nec occultis? | ni tues, ni cachées ? |
Quando enim, | Quand en effet, |
senatu frequentissimo, | le sénat étant le plus nombreux , |
quatuor, | quatre, |
ad summum quinque | au plus cinq |
sunt inventi, | ont-ils été trouvés, |
qui non probarent | qui n'approuvassent pas |
causam Milonis ? | la cause de Milon ? |
Declarant | Elles le prouvent |
illae conciones intermortuae | ces harangues mortes-en-naisiiut |
hujus tribuni plebis | de ce tribun du peuple |
ambusti, | tout-brûlé, |
quibus quotidie | par lesquelles chaque jour |
criminabatur invidiose | il accusait avec-jalousie |
meam potentiam, | mon pouvoir, |
quum diceret | quand il disait |
senatum decernere, | le sénat décréter, |
non quod sentiret, | non pas ce qu'il pensait, |
sed quod ego vellem. | mais ce que je voulais. |
Quae quidem, | Laquelle assurément, |
si est appellanda potentia | si elle doit être appelée puissance |
potius, quam | plutôt que |
mediocris auctoritas | faible influence |
in bonis causis | dans les bonnes causes |
propter magna merita | pour de grands services |
in rempublicam, | envers la république, |
aut nonnulla gratia | ou quelque crédit |
apud bonos | auprès des bons citoyens |
propter | à cause |
meos labores officiosos, | de mes travaux obligeants, |
appelletur ita sane, | qu'elle soit appelée ainsi assurément, |
dummodo nos utamur ea | pourvu que nous usions d'elle |
pro salute bonorum | pour le salut des bons |
contra amentiam | contre la démence |
perditorum. | des pervers. |
Hanc vero quaestionem, | Quant à cette commission, |
etsi non est iniqua, | bien qu'elle ne soit pas inique, |
nunquam tamen senatus | jamais cependant le sénat |
putavit constituendam. | n'a pensé elle devoir être établie. |
Leges enim erant, | En effet des lois existaient, |
quaestiones erant, | des tribunaux existaient, |
vel de caede, vel de vi ; | soit pour le meurtre, soit pour la violence |
nec mors P. Clodii | et la mort de P. Clodius |
afferebat senatui | n'apportait pas au sénat |
tantum moerorem | tant de chagrin |
ac luctum, | et de deuil, |
ut quaestio nova | qu'une commission nouvelle |
constitueretur. | fût établie. |
Quis enim potest credere | Qui en effet peut croire |
senatum putasse | le sénat avoir pensé |
judicium novum | un tribunal nouveau |
constituendum | devoir être établi |
de interitu ejus, | touchant la mort de celui-ci, |
de illo stupro incesto cujus | touchant cet adultère impur duquel |
potestas decernendi | le pouvoir de décider |
esset erepta senatui? | avait été arraché au sénat? |
Cur igitur senatus decrevit | Pourquoi donc le sénat a-t-il décrété |
incendium curiae, | l'incendie de la curie, |
oppugnationem aedium | le siége de la maison |
M. Lepidi, | de M. Lépidus, |
hanc caedem ipsam | ce massacre même |
esse factam | avoir été fait |
contra rempublicam? | contre la république? |
Quia nulla vis unquam | Parce qu'aucune violence jamais |
est suscepta | n'a été entreprise |
in civitate libera | dans un Etat libre |
inter cives, | entre les citoyens, |
non contra rempublicam. | non (autrement que) contre la république. |
Illa enim defensio | Car cette défense |
contra vim | contre la violence |
non est unquam optanda ; | n'est jamais à-souhaiter ; |
sed nonnunquam | mais quelquefois |
est necessaria : | elle est nécessaire : |
nisi vero aut ille dies, | à moins que pourtant ou ce jour, |
in quo Tib. Gracchus | dans lequel Tib. Gracchus |
est caesus, | fut massacré, |
aut ille, | ou cet autre jour, |
quo Caius, | dans lequel Caius fut tué, |
aut quo arma Saturnini | ou celui dans lequel les armes de Saturninus |
sunt oppressa, | furent accablées, |
etiamsi e republica, | bien que dans l'intérêt de la république , |
tamen non vulnerarunt | cependant n'aient pas blessé |
rempublicam. | la république. |