CICERON, DE AMICITIA CHAP. IX (1)

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 CICERON, DE AMICITIA CHAP. IX (1)

 

 


IX. Quod si tanta vis probitatis est, ut eam vel in eis, quos nunquam vidimus, vel, quod majus est, in hoste etiam diligamus: quid mirum, si animi hominum moveantur, quum eorum, quibuscum usu conjuncti esse possunt, virutem et bonitatem perspicere videantur? Quanquam confirmatur amor et beneficio accepto, et studio perspecto, et consuetudine aduncta: quibus rebus ad illum primum motum animi et amoris adhibitis, admirabilis quaedam exardescit benevolentiae magnitudo: quam si putant ab imbecillitate proficisci, ut sit, per quem assequatur, quod quisque desideret; humilem sane relinquunt, et minime generosum, ut ita dicam, ortum amicitiae, quam ex inopia atque indigentia natam volunt. Quod si ita esset, ut quisque minimum in se esse arbitraretur, ita ad amicitiam esset aptissimus: quod lone secus est. Ut enim quisque sibi plurimum confidit, et ut quisque maxime virtute et sapientia sic munitus est, ut nullo egeat, suaque omnia in se ipso posita judicet: ita in amicitiis expetendis colendisque maxime excellit. Quid enim? Africanus indigens mei? Minime hercle! ac ne ego quidem illius: sed ego admirationem quadam virtutis ejus, ille vicissim opinione fortasse nonnulla, quam de meis moribus habebat, me dilexit, auxit benvolentiam consuetudo. Sed quanquam utilitates multae et magnae consecutae sunt, non sunt tamen ab earum spe causae deligendi profectae. Ut enim benefici liberalesque sumus, non ut exigamus gratiam (neque enim beneficium foeneramur, sed natura propensi ad liberalitem sumus): sic amicitiam non spe mercedis adducti, sed quod omnis ejus fructus in ipso amore inest, expetendam putamus. At ii, qui pecudum ritu ad voluptatem omnia referunt, longe dissentiunt: nec mirum. Nihil enim altum, nihil magnificum ac divinum suspicere possunt, qui suas omnes cogitationes abjecerunt in rem tam humilem tamque contemptam. Quamobrem hos quidem ab hoc sermone removeamus: ipsi autem intelligamus, natura gigni sensum diligendi et benevolentiae caritatem, facta cognitione probitatis: quam qui appetiverunt, applicant sese et proprius admovent, ut et usu ejus, quem diligere coeperunt, fruantur, et moribus, sintque pares in amore, et aequales, propensioresque ad bene merendum, quam ad reposcendum. Atque haec inter eos fit honesta certatio: sic et utilitates ex amicitia maximae capientur, et erit ejus ortus a natura, quam ab imbecillitate, et gravior et verior. Nam si utilitas amicitias conglutinaret, eadem commutata dissolveret. Sed, quia natura mutari non potest, idcirco verae amicitiae sempiternae sunt. Ortum quidem amicitiae videtis, nisi quid ad haec forte vultis. FANNIUS. Tu vero perge, Laeli. Pro hoc enim, qui minor est natu meo jure respondeo. SCAEVOLA. Recte tu quidem: quamobrem audiamus.


IX. Si telle est la force de la probité, que nous l'aimons chez des hommes que nous n'avons jamais vus et ce qui est plus, chez nos ennemis, est-il étonnant que l'âme de l'homme soit émue, si elle vient à reconnaître la vertu et la bonté chez ceux du commerce de qui il peut jouir? Toutefois l'amitié se fortifie, et par les bienfaits reçus, et par le zéle éprouvé, enfin par l'habitude; mais quand tous ces motifs viennent se joindre à ce premier mouvement de l'âme, à cet élan sympathique du coeur, alors s'allume en nous une admirable et grande affection. Supposer que l'amitié a pour principe la faiblesse humaine, pour but d'obtenir d'autrui ce dont on est privé soi-même, c'est donner à l'amitié une origine bien basse et, j'ose le dire, tout à fait ignoble: c'est la faire naître de l'indigence et de la misère. S'il en était ainsi, moins on se sentirait de ressources, plus on serait propre à l'amitié, ce qui tout le contraire de la vérité. En effet, plus on a de confiance en soi-même, plus on est riche de vertu et de sagesse, de façon à n'avoir besoin de personne et à penser qu'on porte tout en soi plus on excelle àrechercher et à cultiver les amitiés. En effet, quel besoin avait de moi l'Africain? aucun sans doute; et moi-même, quel besoin avais-je de lui? Mais j'admirais sa vertu; lui, de son côté, avait peut-être quelque estime pour mon caractère, et nous nous aimâmes; l'habitude vint augmenter l'affection. Cependant, quoique de grands, de nombreux avantages soient résultés de notre amitién ce n'est pas cet espoir qui fit naître notre affection mutuelle. Comme on est bienfaisant et libéral, non pour exiger de la reconnaissance (car un bienfait ne se place point à usure, et c'est un penchant naturel qui nous porte à la libéralité): de même nous pensons qu'on doit rechercher l'amitié, non par le calcul, mais parce que tout son fruit est en elle-même. Telle n'est point l'opinion de ceux qui, comme de vils animaux, rapportent tout à la volupté: et cela n'a rien d'étonnant. Comment pourraient-ils, en effet, concevoir quelque chose d'élevé, de grand, de divin, après avoir rabaissé leurs pensées à un objet si abject et si méprisable? Ecartons-les donc de notre discussion: quant à nous, comprenons bien que c'est la nature qui fait naître ce besoin d'aimer, cette tendresse mutuelle, aussitôt que la vertu vient à se révéler. Ceux qui en sont épris se rapprochent et s'unissent; ils cherchent à jouir du commerce et des qualités de celui qu'ils ont commencé d'aimer; ils veulent une égalité parfaite dans leur affection mutuelle, et se montrent plus disposés à rendre des services qu'à en réclamer. Ainsi s'établit entre eux un honorable combat; ansi l'amitié devient la source des plus grands avantages, et son origine, rapportée à la nature plutôt qu'au besoin, n'en est que plus noble et plus vraie? Car si l'intérêt cimentait les amitiés, cet intérêt, venant à changer, les dissoudrait. Mais, comme la nature ne peut changer, les amitiés véritables sont éternelles. Vous voyez qu'elle est l'origine de l'amitié: avez-vous quelques objections à faire? FANNIUS. Non Lélius. Mais veuillez poursuivre: car, en ma qualité d'aîné, je réponds pour Scévola. SCÉVOLA. Vous faites très-bien, Fannius; écoutons donc.



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