CICERON, PRO LEGE MANILIA, CHAP. XVI

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CICERON, PRO LEGE MANILIA, CHAP. XVI

 

 

XVI. Age uero, illa res quantam declarat eiusdem hominis apud hostis populi Romani autoritatem, quod ex locis tam longinquis tamque diuersis tam breui tempore omnes huic se uni dediderunt? quod a communi Cretensium legati, cum in eorum insula noster imperator exercitusque esset, ad Cn- Pompeium in ultimas prope terras uenerunt, eique se omnis Cretensium ciuitates dedere uelle dixerunt? Quid? idem iste Mithridates nonne ad eundem Cn- Pompeium legatum usque in Hispaniam misit? eum quem Pompeius legatum semper iudicauit, ei quibus erat (semper) molestum ad eum potissimum esse missum, speculatorem quam legatum iudicari maluerunt. Potestis igitur iam constituere, Quirites, hanc auctoritatem, multis postea rebus gestis magnisque uestris iudiciis amplificatam, quantum apud illos reges, quantum apud exteras nationes ualituram esse existimetis. Reliquum est ut de felicitate (quam praestare de se ipso nemo potest, meminisse et commemorare de altero possumus, sicut aequum est homines de potestate deorum) timide et pauca dicamus. Ego enim sic existimo: Maximo, Marcello, Scipioni, Mario, et ceteris magnis imperatoribus non solum propter uirtutem, sed etiam propter fortunam saepius imperia mandata atque exercitus esse commissos. Fuit enim profecto quibusdam summis uiris quaedam ad amplitudinem et ad gloriam et ad res magnas bene gerendas diuinitus adiuncta fortuna. De huius autem hominis felicitate, de quo nunc agimus, hac utar moderatione dicendi, non ut in illius potestate fortunam positam esse dicam, sed ut praeterita meminisse, reliqua sperare uideamur, ne aut inuisa dis immortalibus oratio nostra aut ingrata esse uideatur. Itaque non sum praedicaturus quantas ille res domi militiae, terra marique, quantaque felicitate gesserit; ut eius semper uoluntatibus non modo ciues adsenserint, socii obtemperarint, hostes obedierint, sed etiam uenti tempestatesque obsecundarint: hoc breuissime dicam, neminem umquam tam impudentem fuisse, qui ab dis immortalibus tot et tantas res tacitus auderet optare, quot et quantas di immortales ad Cn- Pompeium detulerunt. Quod ut illi proprium ac perpetuum sit, Quirites, cum communis solutis atque imperi tum ipsius hominis causa, sicuti facitis, uelle et optare debetis. Qua re, - cum et bellum sit ita necessarium ut neglegi non possit, ita magnum ut accuratissime sit administrandum; et cum ei imperatorem praeficere possitis, in quo sit eximia belli scientia, singularis uirtus, clarissima auctoritas, egregia fortuna, - dubitatis Quirites, quin hoc tantum boni, quod uobis ab dis immortalibus oblatum et datum est, in rem publicam conseruandam atque amplificandam conferatis?

 

XVI. D'un autre côté, voulez-vous une preuve de la réputation de Pompée aux yeux des ennemis de Rome ? voyez en si peu de temps, sur tant de points si éloignés et si divers, tous les peuples se soumettre à lui seul. Les députés des Crétois, bien qu'il y eût dans leur île une armée et un général de la république, vont trouver Pompée au bout du monde, et déclarent que c'est à lui qu'ils veulent livrer toutes les villes de la Crète. Mais quoi ! ce même Mithridate n'a-t-il pas envoyé jusqu'en Espagne un ambassadeur à ce même Pompée ? et Pompée l'a toujours regardé comme un ambassadeur véritable, bien que ceux qui étaient jaloux que ce fût vers lui qu'on l'eût député aient prétendu que c'était plutôt un espion qu'un ambassadeur. Vous pouvez donc dès maintenant, Romains, vous figurer l'effet que doit produire sur ces rois, sur les peuples étrangers, la réputation de Pompée, encore augmentée par ses nouveaux exploits et par vos glorieux témoignages. Il me reste à parler du bonheur, avantage que nul ne peut s'attribuer à soi-même, mais que l'on peut citer et rappeler lorsqu'il s'agit d'un autre ; parlons-en avec réserve, comme le doit faire l'homme quand il parle de la puissance des dieux. Pour ma part, j'estime que, si l'on confia si souvent des commandements et des armées à Fabius Maximus, à Marcellus, à Scipion, à Marius, ce ne fut pas seulement à cause de leur mérite, mais à cause de leur bonheur. Certains hommes éminents, en effet, ont reçu sans aucun doute du ciel une sorte de bonne fortune, qui contribue à leur grandeur et à leur gloire et leur fait accomplir d'éclatantes choses ; or, en parlant du bonheur de l'homme qui nous occupe, je veux être fidèle à cette modération que je m'impose, et, de peur que mon langage ne me fasse paraître aux yeux des dieux immortels impie ou ingrat, je ne dirai pas qu'il tient la fortune en son pouvoir, mais seulement qu'en nous rappelant le passé nous pouvons compter sur l'avenir. Je ne vanterai donc pas, Romains, les grandes choses qu'il a faites dans la paix comme à la guerre, sur terre comme sur mer, ni le bonheur avec lequel il les a achevées ; je ne répéterai pas qu'on a vu toujours ses volontés non-seulement applaudies par les citoyens, suivies par les alliés, exécutées par les ennemis, mais même secondées par les vents et les tempêtes. Je ne dirai qu'un mot : c'est que personne n'a jamais été assez impudent pour demander aux dieux, même dans le secret de son coeur, d'aussi nombreux, d'aussi éclatants succès, que ceux qu'ils ont prodigués d'eux-mêmes à Pompée. Puisse ce bonheur ne l'abandonner jamais, Romains ! aussi bien pour le salut de l'État que pour Pompée lui-même, vous devez le vouloir et le demander aux dieux, et c'est ce que vous faites. En résumé, puisque la guerre est tellement indispensable qu'on ne saurait la différer, tellement grave qu'elle réclame tous nos soins, et que vous pouvez en charger un général qui se distingue par une connaissance profonde de l'art militaire, par une valeur extraordinaire, par une réputation brillante, par un bonheur rare, hésiterez-vous, Romains, à consacrer au salut et à l'agrandissement de l'empire cet insigne présent que les dieux vous ont offert et vous ont accordé ?

 

XVI. Age vero,

XVI. Mais allons,

quantam auctoritatem

quelle-grande réputation

ejusdem hominis

de ce-même homme

apud hostes populi Romani

auprès des ennemis du peuple romain

illa res declarat, quod,

ce fait ne prouve-t-il pas, que,

ex locis tam longinquis

de lieux si lointains

tamque diversis,

et si divers,

tempore tam brevi,

en un temps si court,

omnes se dediderunt

tous se sont rendus

huic uni?

à lui seul ?

quod legati Cretensium,

que les députés des Crétois,

quum noster imperator

lorsque notre général

exercitusque

et notre armée

esset in insula eorum,

étaient dans l'île d'eux,

venerunt ad Cn. Pompeium

sont venus vers Cn. Pompée

prope in terras ultimas,

presque dans les terres les plus éloignées,

dixeruntque

et ont dit

se velle dedere ei

eux vouloir livrer à lui

omnes civitates

toutes les villes

Cretensium?

des Crétois?

Quid?

Quoi ?

iste idem Mithridates

ce même Mithridate

nonne misit legatum

n'a-t-il pas envoyé un ambassadeur

ad eumdem Cn. Pompeium

à ce-même Cn. Pompée

usque in Hispaniam?

jusqu'en Espagne?

eum quem Pompeius

cet homme que Pompée

judicavit semper

a jugé toujours

legatum,

être un ambassadeur,

ii, quibus

tandis que ces gens, a qui

erat semper molestum

il était toujours désagréable

missum esse potissimum

un ambassadeur avoir été envoyé de préférence

ad eum,

à lui,

maluerunt

ont mieux aimé

judicari speculatorem

lui être regardé-comme espion

quam legatum.

que comme ambassadeur.

Potestis igitur jam,

Vous pouvez donc déjà,

Quirites,

Romains,

constituere

établir

quantum existimetis

combien vous pensez

hanc auctoritatem,

cette réputation,

amplificatam

augmentée

multis rebus

par de nombreux exploits

gestis postea,

accomplis depuis,

vestrisque judiciis

et par vos jugements

magnis ,

grands (éclatants),

valituram esse

devoir valoir

apud illos reges,

auprès de ces rois-là ,

quantum

combien

apud nationes exteras.

auprès des nations étrangères.

Est reliquum

Il est restant (il reste)

ut dicamus timide

que nous parlions timidement

et pauca,

et en peu de mots,

sicut est aequum homini

comme il est convenable à un homme

de potestate deorum,

parlant du pouvoir des dieux,

de felicitate,

du bonheur,

quam nemo potest

que personne ne peut

praestare de se ipso,

mettre-en-avant touchant soi-même,

possumus meminisse

mais que nous pouvons nous rappeler

et commemorare de altero.

et citer d'un autre.

Ego enim existimo sic,

Car je pense ainsi,

imperia mandata esse

des commandements avoir été confiés

atque exercitus commissos

et des armées confiées

saepius

plus souvent

Maximo, Marcello,

à Fabius Maximus, à Marcellus,

Scipioni, Mario,

à Scipion, à Marius,

et ceteris magnis imperatoribus

et aux autres grands généraux,

non solum

non-seulement

propter virtutem,

pour leur valeur,

sed etiam

mais encore

propter fortunam

pour leur bonheur

profecto enim

car certainement

quaedam fortuna

une certaine fortune

adjuncta fuit divinitus

fut ajoutée( accordée) par-un-don-du-ciel

quibusdam viris summis

à quelques hommes éminents

ad amplitudinem

pour leur grandeur

et gloriam

et leur gloire

et ad bene gerendas

et pour bien faire

res magnas.

les actions grandes (importantes).

De felicitate autem

Mais quant au bonheur

hujus hominis,

de cet homme,

de quo agimus nunc,

de qui nous parlons maintenant,

utar hac moderatione

j'userai de cette (d'une telle) modération

dicendi,

de parler (de langage),

non ut dicam

non pas que je dise

fortunam positam esse

la fortune être placée

in potestate illius,

en le pouvoir de lui,

sed ut videamur

mais que nous semblions

meminisse praeterita,

nous rappeler les faits passés,

sperare reliqua,

et espérer les faits qui-restent (à venir),

ne nostra oratio videatur

de peur que notre langage ne paraisse

esse aut invisa

être ou odieux

diis immortalibus,

aux dieux immortels,

aut ingrata.

ou ingrat envers eux.

Itaque, Quirites,

C'est-pourquoi, Romains,

non sum praedicaturus

je ne suis pas devant vanter

quantas res ille gesserit

quelles-grandes actions il a faites

domi militiaeque,

à l'intérieur et en guerre,

terra marique,

sur terre et sur mer,

quantaque felicitate ;

et avec quel bonheur;

ut non modo semper

comment non-seulement toujours

cives assenserint,

les citoyens ont applaudi,

socii obtemperarint

les alliés se sont prêtés,

hostes obedierint

les ennemis ont obéi

voluntatibus ejus,

aux volontés de lui,

sed etiam

mais encore

venti tempestatesque

les vents et les saisons

obsecundarint:

les ont secondées :

dicam brevissime hoc,

je dirai très-brièvement ceci,

neminem unquam fuisse

personne jamais n'avoir été

tam impudentem

si impudent

qui auderet optare tacitus

qui osât demander silencieux (tout bas)

a diis immortalibus

aux dieux immortels

tot et tantas res

tant et de si-grandes choses

quot et quantas

que-nombreuses et grandes

dii immortales

les dieux immortels

detulerunt

en eut accordé

ad Cn. Pompeium.

à Cn. Pompée.

Quod

Laquelle chose

debetis velle et optare,

vous devez vouloir et souhaiter,

Quirites, sicuti facitis,

Romains, comme vous le faites,

ut sit proprium illi

qu'elle soit propre à lui

ac perpetuum,

et durable,

quum causa

tant à cause

salutis communis

du salut commun

atque imperii,

et de l'empire,

tum hominis ipsius.

qu'à cause de l'homme lui-même.

Quare,

C'est-pourquoi,

quum et bellum

puisque et cette guerre

sit ita necessarium,

est si nécessaire,

ut non possit negligi

qu'elle ne peut être négligée,

ita magnum,

si grande

ut administrandum sit

qu'elle doit être conduite

accuratissime,

très-soigneusement,

et quum possitis

et que vous pouvez

praeficere ei imperatorem

mettre-à-la-tête d'elle un général

in quo sit

en qui soit

scientia eximia belli,

une science éminente de la guerre,

virtus singularis,

une valeur singulière,

auctoritas clarissima,

une réputation très-brillante,

fortuna egregia,

un bonheur remarquable,

dubitabitis, Quirites,

douterez-vous, Romains,

quin conferatis

que vous ne deviez-appliquer

in conservandam

à conserver

atque amplificandam rempublicam

et agrandir la république

hoc tantum boni

cette si-grande somme de bien

quod oblatum est

qui est offerte

et datum vobis

et donnée à vous

a diis immortalibus?

par les dieux immortels?

 
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