CORNELIUS NEPOS, VIES DES GRANDS CAPITAINES, ATTICUS, CHAP. XX
CORNELIUS NEPOS, VIES DES GRANDS CAPITAINES, ATTICUS, CHAP. XX
Quamuis ante haec sponsalia non solum, cum ab urbe abesset, numquam ad suorum quemquam litteras misit, quin Attico mitteret, quid ageret, in primis, quid legeret quibusque in locis et quamdiu esset moraturus, sed etiam, cum esset in urbe et propter infinitas suas occupationes minus saepe quam uellet, Attico frueretur, nullus dies temere intercessit, quo non ad eum scriberet, cum modo aliquid de antiquitate ab eo requireret, modo aliquam quaestionem poeticam ei proponeret, interdum iocans eius uerbosiores eliceret epistulas. Ex quo accidit, cum aedis Iouis Feretrii in Capitolio, ab Romulo constituta, uetustate atque incuria detecta prolaberetur, ut Attici admonitu Caesar eam reficiendam curaret. Neque uero a M- Antonio minus absens litteris colebatur, adeo ut accurate ille ex ultumis terris, quid ageret, curae sibi haberet certiorem facere Atticum. Hoc quale sit, facilius existimabit is, qui iudicare poterit, quantae sit sapientiae eorum retinere usum beneuolentiamque, inter quos maximarum rerum non solum aemulatio, sed obtrectatio tanta intercedebat, quantam fuit (incidere) necesse inter Caesarem atque Antonium, cum se uterque principem non solum urbis Romae, sed orbis terrarum esse cuperet. |
Cependant, avant ces fiançailles, Auguste, non seulement, lorsqu’il était absent de la ville, n’adressa jamais de lettres à quelqu’un des siens, sans mander à Atticus ce qu’il faisait, surtout ce qu’il lisait, en quels lieux il se trouvait, et combien de temps il devait y rester ; mais encore, quand il était à Rome, et qu’à cause de ses infinies occupations il voyait Atticus moins souvent qu’il ne voulait, il ne se passait pourtant aucun jour qu’il ne lui écrivît, qu’il ne lui demandât quelque éclaircissement sur un point d’antiquité, ou qu’il ne lui proposât quelque question de poésie ; et même il plaisantait de temps en temps pour obtenir de lui des réponses plus longues. Cette correspondance eut ses résultats. Comme le temple de Jupiter Férétrien, placé par Romulus sur le Capitole, découvert par la vétusté et, par le défaut d’entretien, menaçait ruine, Auguste eut soin, par l’avis d’Atticus, de le faire réparer. Atticus n’était pas moins honoré, de loin, des lettres d’Antoine ; au point que celui-ci l’instruisait exactement, depuis les extrémités de la terre, de ce qu’il faisait, de ce qui occupait son esprit. On appréciera plus aisément le mérite d’Atticus, si l’on conçoit combien il fallait de sagesse pour se conserver le commerce et la bienveillance de deux hommes entre lesquels régnait non seulement l’émulation des plus grandes choses, mais une aussi forte jalousie que celle qui devait nécessairement se trouver entre Auguste et Antoine, puisque l’un et l’autre ambitionnaient d’être à la tête, non seulement de la ville de Rome, mais de la terre entière. |
XX. Quamvis | XX. Toutefois |
ante haec sponsalia | avant ces fiançailles |
non solum, | non-seulement, |
quum abesset ab urbe, | lorsqu'il était-absent de la ville, |
nunquam misit litteras | jamais il n'envoya de lettre |
ad quemquam suorum | à quelqu'un des siens |
quin mitteret Attico, | sans qu'il en envoyât à Atticus, |
quid ageret, | pour lui dire ce qu'il faisait, |
imprimis quid legeret, | surtout ce qu'il lisait, |
in quibus locis et quandiu | dans quels lieux et combien-de-temps |
moraturus esset, | il devait séjourner, |
sed etiam, | mais encore, |
quum esset in urbe, et, | lorsqu'il était à la ville, et, |
propter suas occupationes | à-cause-de ses occupations |
infinitas, | immenses, |
frueretur Attico | jouissait de la société d'Atticus |
minus saepe quam vellet, | moins souvent qu'il n'eût voulu, |
nullus dies tamen | aucun jour cependant |
intercessit temere | ne s'écoula-dans-l'intervalle facilement |
quo | dans lequel |
non scriberet ad eum, | il n'écrivît pas à lui, |
quum modo | alors que tantôt |
requireret ab eo aliquid | il demandait à lui quelque chose |
de antiquitate, | au-sujet-de l'antiquité, |
modo proponeret ei | tantôt il proposait à lui |
aliquam quaestionem | quelque question |
poeticam, | sur-la-poésie, |
interdum jocans | et quelquefois en badinant |
eliceret | il attirait (provoquait) |
epistolas verbosiores ejus. | des lettres plus étendues de lui. |
Ex quo accidit, | Par-suite-de quoi il arriva, |
quum aedes Jovis Feretrii, | comme le temple de Jupiter Férétrien, |
constituta ab Romulo | établi (bâti) par Romulus |
in Capitolio, | sur le mont-Capitolin, |
prolaberetur detecta | tombait-en-ruine ayant perdu-sa-toiture |
vetustate atque incuria, | par le temps et le manque-de-soins, |
ut, admonitu Attici, | que, sur un avertissemeut d'Atticus, |
Caesar curaret eam | César prit-soin de ce temple |
reficiendam. | devant être réparé. |
Neque vero absens | Et d'autre-part étant éloigné |
colebatur minus litteris | il n'était pas cultivé moins par lettres |
ab M. Antonio; | par M. Antoine ; |
adeo ut ille | à-tel-point que celui-là |
ex terris ultimis | depuis les terres les plus reculées |
haberet curae sibi | tenait à souci à lui-même (prenait à cœur) |
facere Atticum certiorem | de faire Atticus mieux-informé (d'informer Atticus) |
accurate | avec-soin |
quid ageret. | de ce qu'il faisait. |
Quale sit hoc, | De-quelle-valeur est ceci, |
is existimabit facilius | celui-là le jugera plus facilement |
qui poterit judicare | qui pourra apprécier |
quantae sapientiae sit | de quelle-grande habileté c'est le fait |
retinere usum | de conserver le commerce |
benevolentiamque eorum | et la bienveillance de ces hommes |
inter quos intercedebat | entre lesquels se plaçait |
non solum aemulatio | non-seulement une rivalité |
maximarum rerum, | des (pour les) plus grands objets, |
sed obtrectatio tanta | mais une haine aussi-grande |
quantam fuit necesse | qu'il fut nécessaire |
incidere | une haine tomber (s'élever) |
inter Caesarem | entre César |
atque Antonium, | et Antoine, |
quum uterque cuperet | alors que l'un-et-l'autre désirait |
se esse principem | lui-même être le premier |
non solum urbis Romanae, | non-seulement de la ville de-Rome, |
sed orbis terrarum. | mais du cercle des terres. |