CICERON, PRO MILONE, CHAP. XXV
CICERON, PRO MILONE, CHAP. XXV
Omnia falsa atque insidiose ficta comperta sunt. Cum tamen, si metuitur etiam nunc Milo, non iam hoc Clodianum crimen timemus, sed tuas, Cn- Pompei -- te enim iam appello, et ea uoce ut me exaudire possis -- tuas, tuas, inquam, suspiciones perhorrescimus: si Milonem times; si hunc de tua uita nefarie aut nunc cogitare aut molitum aliquando aliquid putas; si Italiae dilectus (ut non nulli conquisitores tui dictitarunt), si haec arma, si Capitolinae cohortes, si excubiae, si uigiliae, si dilecta iuuentus quae tuum corpus domumque custodit contra Milonis impetum armata est, atque illa omnia in hunc unum instituta, parata, intenta sunt, -- magna in hoc certe uis et incredibilis animus, et non unius uiri uires atque opes iudicantur, si quidem in hunc unum et praestantissimus dux electus et tota res publica armata est. Sed quis non intellegit omnis tibi rei publicae partis aegras et labantis, ut eas his armis sanares et confirmares, esse commissas? Quod si, locus Miloni datus esset, probasset profecto tibi ipsi neminem umquam hominem homini cariorem fuisse quam te sibi; nullum se umquam periculum pro tua dignitate fugisse; cum ipsa illa taeterrima peste se saepissime pro tua gloria contendisse; tribunatum suum ad salutem meam, quae tibi carissima fuisset, consiliis tuis gubernatum; se a te postea defensum in periculo capitis, adiutum in petitione praeturae; duos se habere semper amicissimos sperasse, te tuo beneficio, me suo. Quae si non probaret, si tibi ita penitus inhaesisset ista suspicio nullo ut euelli modo posset, si denique Italia a dilectu, urbs ab armis sine Milonis clade numquam esset conquietura, ne ille hand dubitans cessisset patria, is qui ita natus est et ita consueuit: te, Magne, tamen antestaretur, quod nunc etiam facit. |
Tout s'est trouvé faux, et les mensonges de la méchanceté ont été reconnus. Si cependant on le redoute encore, ce n'est plus le meurtre de Clodius, ce sont vos soupçons; oui, Pompée, j'élève la voix, pour que vous puissiez m'entendre; oui, vos soupçons seuls nous font trembler. Si vous craignez Milon, si vous pensez qu'il médite quelque projet contre vous, ou qu'il ait jamais attenté à vos jours; si, comme le publient vos officiers, les levées qu'on fait dans l'Italie, si les troupes qui nous environnent, si les cohortes, postées dans le Copitole, si les gardes et les sentinelles, si l'élite de la jeunesse qui veille autour de votre personne et de votre demeure, sont armés contre Milon, si toutes ces précautions ont été prises, établies, dirigées contre lui seul : assurément faire choix du plus grand des généraux, armer la république entière pour résister au seul Milon, c'est reconnaître en lui une force extraordinaire, c'est lui supposer plus de moyens et de ressources qu'un seul homme n'en peut avoir. Mais qui ne voit que toutes les forces de l'État ont été remises en vos mains pour vous donner les moyens de raffermir la république ébranlée et chancelante? Milon, si vous eussiez voulu l'entendre, vous aurait démontré que jamais on n'eut plus d'affection pour aucun mortel qu'il n'en a conçu pour vous; qu'il a bravé mille dangers pour les intérêts de votre gloire; que souvent, pour la soutenir, il a combattu contre ce monstre exécrable; que tout son tribunat a été dirigé par vos conseils vers mon rappel que vous désiriez avec ardeur; que, depuis mon retour, vous l'avez défendu dans une cause capitale, et secondé dans la demande de la préture; qu'il espérait avoir en nous deux amis attachés à lui pour jamais, vous par votre bienfait, moi par le sien. S'il n'avait pas réussi à vous persuader, si rien n'avait pu détruire ce soupçon trop profondément gravé dans votre âme; si enfin, pour désarmer Rome et faire cesser les levées dans l'Italie, il eût fallu que MiIon fût sacrifié, n'en doutons pas, il se serait exilé volontairement; son caractère et sa conduite en sont de sûrs garants : toutefois en s'éloignant, il vous aurait pris à témoin de ses sentiments, comme il le fait aujourd'hui. |
XXV. Omnia | XXV. Toutes les accusations |
sunt comperta f'alsa | ont été trouvées fausses |
atque ficta insidiose. | et forgées perfidement. |
Quod si tamen | Que si cependant |
Milo metuitur | Milon est craint |
etiam nunc, | même maintenant, |
non jam timemus | nous ne craignons déjà plus |
hoc crimen Clodianum, | cette accusation qui-regarde-Clodius, |
sed perhorrescimus | mais nous redoutons |
tuas suspiciones, | tes soupçons, |
Cn. Pompei | Cn. Pompée |
(jam enim te appello | (car déjà je t'interpelle |
ea voce, | de cette voix, |
ut possis me audire), | afin que tu puisses m'entendre), |
tuas, tuas, inquam. | tes soupçons, tes soupçons, dis-je. |
Si times Milonem, | Si tu crains Milon, |
si putas hunc | si tu penses lui |
aut cogitare nunc nefarie | ou méditer maintenant criminellement |
de tua vita, | au sujet de ta vie, |
aut molitum aliquando | ou avoir tenté quelque jour |
aliquid ; | quelque chose contre ta vie; |
si delectus Italiae, | si les levées de l'Italie, |
ut nonnulli | comme plusieurs |
tui conquisitores | de tes enrôleurs |
dictitant, | le disent-fréquemment, |
si haec arma, | si ces armes, |
si cohortes Capitolinae, | si les cohortes du-Capitole, |
si excubiae, | si les gardes, |
si vigiliae, | si les sentinelles, |
si juventus delecta, | si la jeunesse choisie, |
quae custodit tuum corpus | qui garde ta personne |
domumque, | et ta maison, |
est armata | a été armée |
contra impetum Milonis, | contre l'attaque de Milon, |
atque illa omnia | et si toutes ces mesures |
sunt instituta, parata, | ont été établies, préparées, |
intenta in hunc unum : | dirigées contre lui seul : |
certe magna vis, | assurément une grande énergie, |
et animus incredibilis, | et une audace incroyable, |
et vires atque opes | et des forces et des ressources |
non unius viri | qui ne sont pas celles d'un seul homme |
indicantur in hoc, | sont dénoncées en lui, |
si quidem | si toutefois |
et dux praestantissimus | et le général le plus distingué |
est delectus, | a été choisi, |
et tota respublica armata | et toute la république armée |
in hunc unum. | contre lui seul. |
Sed quis non intelligit, | Mais qui ne comprend, |
omnes partes reipublicae, | toutes les parties de la république, |
aegras et labantes, | malades et chancelantes, |
esse commissas tibi, | avoir été confiées à toi, |
ut eas sanares | afin que tu les guérisses |
et confirmares | et que tu les raffermisses |
his armis? | au moyen de ces armes? |
Quod si locus | Que si l'occasion |
esset datus Miloni, | avait été donnée à Milon, |
probasset profecto | il eût prouvé assurément |
tibi ipsi, | à toi-même, |
neminem hominem | aucun homme |
unquam | jamais |
fuisse cariorem homini, | n'avoir été plus cher à un homme, |
quam te sibi : | que toi à lui ; |
se fugisse | lui n'avoir évité |
nullum periculum unquam | aucun péril jamais |
pro tua dignitate : | pour ta dignité : |
contendisse saepissime | avoir lutté très-souvent |
cum illa peste ipsa | avec ce fléau même |
teterrima | très-abominable (avec Clodius) |
pro tua gloria : | pour ta gloire : |
suum tribunatum | son tribunat |
gubernatum | avoir été dirigé |
tuis consiliis | par tes conseils |
ad meam salutem, | en vue de mon salut, |
quae fuisset | qui avait été |
carissima tibi : | très-cher à toi : |
se postea defensum a te | lui ensuite avoir été défendu par toi |
in periculo capitis, | dans un danger de sa tête (une accusation capitale) |
adjutum | aidé par toi |
in petitione praeturae : | dans la brigue de la préture : |
sperasse | avoir espéré |
se habere semper duos | lui avoir toujours deux hommes |
amicissimos ; | très-amis ; |
te tuo beneficio, me suo. | toi par ton bienfait, moi par le sien. |
Quae si non probaret ; | S'il ne t'avait pas prouvé cela; |
si ista suspicio | si ce soupçon |
inhaesisset tibi | était resté-attaché à toi |
ita penitus, | si profondément, |
ut posset evelli | qu'il ne pût être arraché |
nullo modo ; | d'aucune façon; |
si denique Italia | si enfin l'Italie |
nunquam esset conquietura | n'avait jamais dû se reposer |
a delectu, | de la levée, |
urbs ab armis, | ni la ville des armes, |
sine clade Milonis : | sans le malheur de Milon : |
nae haud dubitans | assurément n'hésitant pas |
iste cessisset patria, | il serait sorti de sa patrie, |
is, qui est natus ita, | lui qui est né ainsi (avec ce caractère), |
et consuevit ita; | et qui a coutume d'agir ainsi ; |
te antestaretur tamen, | il t'aurait-pris-à-témoin cependant, |
Magne, | Grand Pompée, |
quod facit etiam nunc. | ce qu'il fait même maintenant. |