PHEDRE, FABLES, LIVRE III, FABLE VII, LE FRERE ET LA SOEUR
PHEDRE, FABLES, LIVRE III, FABLE VII, LE FRERE ET LA SOEUR
Soror ad Fratrem
Praecepto monitus saepe te considera. Habebat quidam filiam turpissimam, idemque insignem pulchra facie filium. Hi speculum, in cathedra matris ut positum fuit, pueriliter ludentes forte inspexerunt. Hic se formosum iactat; illa irascitur nec gloriantis sustinet fratris iocos, accipiens ‹ quid enim? ‹ cuncta in contumeliam. Ergo ad patrem decurrit laesura inuicem, magnaque inuidia criminatur filium, uir natus quod rem feminarum tetigerit. Amplexus ille utrumque et carpens oscula dulcemque in ambos caritatem partiens, "Cotidie" inquit "speculo uos uti uolo, tu formam ne corrumpas nequitiae malis, tu faciem ut istam moribus uincas bonis." |
LE FRÈRE ET LA SOEUR Comme te le conseille la morale de ce conte, examine-toi souvent. Un homme avait une fille très laide et aussi un fils remarquable par la beauté de son visage. Un miroir s'étant trouvé sur la chaise de leur mère, ces enfants, en jouant comme ceux de leur âge, vinrent à s'y regarder. Le garçon vante sa beauté; la fille se met en colère et, comme son frère affecte de triompher, elle ne supporte pas son badinage : elle prend, comme il est naturel, tous ses propos pour des injures. Elle recourt donc à son père pour vexer son frère à son tour et, avec beaucoup d'aigreur, elle fait un crime à l'étourdi d'avoir touché, lui qui est un homme, un objet réservé aux femmes. Le père les prend l'un et l'autre dans ses bras en recevant leurs baisers et en partageant entre eux les douces marques de sa tendresse : «Je veux que chaque jour, dit-il, vous vous serviez du miroir : toi, pour ne pas gâter ta beauté par les mauvais effets de la méchanceté; toi pour embellir ton visage du charme d'un bon caractère." |
FABULA VII. | FABLE VII. |
FRATER ET SOROR. | LE FRÈRE ET LA SŒUR. |
Monitus praecepto, | Averti par ce précepte, |
considera te saepe. | considère toi souvent. |
Quidam habebat | Quelqu'un avait |
filiam turpissimam, | une fille très-laide , |
idemque filium | et le même homme avait un fils |
insignem pulchra facie. | remarquable par son beau visage. |
Hi ludentes pueriliter, | Ceux-ci en-jouant comme-des-enfants , |
inspexerant forte | avaient vu par-hasard |
speculum , | un miroir, |
ut positum fuit | comme il était placé |
in cathedra matris. | sur le siège de leur mère. |
Hic jactat se formosum ; | Celui-ci vante soi d'être beau ; |
illa irascitur, | celle-là se-fâche, |
nec sustinet jocos | et-ne peut-supporter les railleries |
fratris gloriantis, | de son frère se-glorifiant, |
accipiens (quid enim ?) | recevant (car quoi de plus naturel ?) |
cuncta in contumeliam. | tout en manière d'affront. |
Ergo decurrit ad patrem, | En-conséquence elle court vers le père, |
laesura invicem , | devant-affliger son frère à-son-tour, |
magnaque invidia | et avec un grand dépit |
criminatur filium | elle accuse le fils |
quod , natus vir, | de ce que , né garçon , |
tetigerit rem feminarum. | il a touché un meuble de femmes. |
Ille amplexus utrumque , | Le père ayant embrassé l'un-et-l'autre, |
et carpens oscula, | et cueillant des baisers, |
partiensque in ambos | et partageant à eux tous-deux |
caritatem dulcem : | sa tendresse douce : |
« Volo , inquit, | « Je veux, dit-il, |
vos uti speculo | vous vous-servir du miroir |
quotidie , | tous les jours, |
tu, ne corrumpas formam | toi, pour que tu ne ternisses pas ta beauté |
malis nequitiae, | par les maux de la méchanceté, |
tu , ut vincas illam faciem | et toi , pour que tu triomphes-de ce visage, |
bonis moribus. » | par de bonnes mœurs. » |