CICERON, DE AMICITIA CHAP. IV (1)

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 CICERON, DE AMICITIA CHAP. IV (1)

 

 


IV. Neque enim assentior iis, qui haec nuper disserere coeperunt, cum corporibus simul animos interire, atque omnia morte deleri. Plus apud me antiquorum auctoritas valet, vel nostrorum majorum, qui mortuis tam religiosa jura tribuerunt, quod non fecisset profecto, si nihil ad eos pertinere arbitrabentur: vel eorum, qui in hac terra fuerunt, Magnamque Graeciam, quae nunc quidem deleta est, tunc florebat, institutis et praeceptis suis erudierunt: vel ejus, qui Apollinis oraculo sapientissimus est judicatus: qui non tum hoc, tum illud, ut in plerisque, sed idem semper, animos hominum esse divinos, iisque, quum e corpore excessissent, reditum in coelum patere, optimoque et justissimo cuique expeditissimum. Quod item Scipioni videbatur: qui quidem, quasi praesagiret, perpaucis ante mortem diebus, quum et Philus et Manilius adessent, et alii plures, tuque etiam, Scaevola, mecum venisses, triduum disseruit de republica: cujus disputationis fuit extremum fere de immortalitate animorum: quae se in quiete per visum ex Africano audisse dicebat. Id si ita est, ut optimi cujusque animus in morte facillime evolet tanquam e custodia vinclisque corporis: cui censemus cursum ad Deos faciliorem fuisse, quam Scipioni? Quocirca, maerere hoc ejus eventu, vereor ne invidi magis quam amici sit. Sin autem illa veriora, ut idem interitus sit animorum et corporum, nec ullus sensus maneat, ut nihil boni est in morte, sic certe nihil mali. Sensu enim amisso, fit idem, quasi natu non est omnino: quem tamen esse natum et nos gaudemus, et haec civitas, dum erit, laetabitur. Quamobrem cum illo quidem, ut supra dixi, actum optime est; mecum incommodius: quem fuerat aequius, ut prius intrieram, sic prius exire de vita. Sed tamen recordatione nostrae amicitiae sic fruor, ut beate vixisse videar, quia cum Scipione vixerim: quocum mihi conjucta cura de re publica et de privata fuit, quocum et domus et militia communis; et id,in quo est omnis vis amicitiae, voluntatum, studiorum, sententiarum summa consensio. itaque non tam ista me sapientae, quam modo Fannius commemoravit, fama delectat, falsa praesertim, quam quod amicitae nostrae memoriam spero sempiternam fore; idque mihi eo magis est cordi, quod ex omnibus saeculis vix tria aut quatuor nominantur paria amicorum quo in genere sperare videor Scipionis et Laelii amicitiam notam posteritati fore. FANNIUS. Istud quidem, Laeli, ita necess est. Sed, quoniam amicitiae mentionem fecisti, et umus otiosi, pergratum mihi feceris (spero item Scaevola), si, quemadmodum soles de ceteris rebus, quem ex te quaeruntur, sic de amicitia disputaris, qui sentias, qualem existimes, quae praecepta des. SCAEVOLA. Mihi vero (pergratum erit): atque, id ipsum quum tecum agere conarer, Fannius antevertit. Quamobrem utrique nostrum gratum admodum feceris.


IV. Car je ne suis pas de l'avis de ceux qui tout récemment se sont mis à soutenir que l'âme périt avec le corps, et que tout est détruit par la mort. Je préfère me souimettre à l'autorité des anciens, à celle de nos pères, qui rendaient aux morts des honneurs religieux (ceux qu'ils n'eussent point fait sans doute s'ils avaient cru qu'ils y étaient insensibles); à celle de ces philosophes qui vécurent en Italie, et dont les préceptes et la doctrine instruisirent la Grande-Grèce, aujourd'hui bien déchus, mais alors florissante; à celle de cet homme que l'oracle d'Apollon déclara le plus sage, et qui sur cette question ne disait pas, comme sur la plupart des autres, tantôt une chose, tantôt une autre, mais toujours la même, c'est-à-dire que les âmes des hommes sont divines, et qu'à leur sortie du corps le retour vers le ciel leur est ouvert, retour d'autant plus facile qu'elles ont été plus justes et plus pures. C'était aussi l'opinion de Scipion: peu de temps avant sa mort, comme il en avait déjà le préssentiment, en présence de Philus, de Manilius et de plusieurs autres, de vous aussi, Scévola (car vous m'aviez accompagné), il discourut trois jours entiers sur la république: la fin de cet entretien roula presque toute entière sur l'immortalité de l'âme, et Scipion disait nous rapporter les paroles de l'Africain qui lui était apparu en songe. S'il est vrai que l'âme du plus vertueux s'envole le plus facilement, au moment où la mort la dégage de la prison et des liens du corps, à qui pensez-vous que le retour vers les Dieux ait dû être plus facile qu'à Scipion? Je craindrais donc, en m'affligeant ce cet événement, de montrer plus d'envie que d'amitié. S'il est vrai, au contraire, qu'une même fin anéantit l'âme et le corps, et qu'aucun sentiment ne survit, comme il n'y a aucun bien dans la mort, il n'y a également aucun mal. Car le sentiment une fois éteint, c'est absolument comme si l'on n'était jamais né; en tout cas, que Scipion soit né, c'est ce qui fait notre bonheur, et ce qui sera pour Rome, tant qu'elle existera, un sujet d'allégresse. Ainsi donc, comme je l'ai déjà dit, le destin a été tout à fait favorable à Scipion: il n'a été cruel qu'avec moi: entré le premier dans la vie, j'aurai dû en sortir aussi le premier. Cependant le souvenir de notre amitié est pour moi une jouissance telle, qu'il me semble avoir vécu heureux parce que j'ai vécu avec Scipion: entre nous tout était commun, les soins de la vie publique et ceux de la vie privé; même conduite à Rome, mêmes travaux dans les camps; enfin, ce qui fait surtout la force de l'amitié, parfait accord de volontés, de goûts, de pensées. Ainsi ce qui me charme bien plus que cette réputation de sagesse dont Fannius parlait tout à l'heure, et que d'ailleurs je ne mérite point, c'est l'espoir que le souvenir de notre amitié sera éternel; j'y tiens d'autant plus que toute la suite des siècles nous offre à peine trois ou quatre exemples d'amitiés parfaites: j'ose espérer que, sous ce rapport, l'amitié de Scipion et de Lélius sera connue de la postérité. FANNIUS. C'est ce qui arrivera nécessairement, Lélius. Mais, puisque vous en êtes sur l'amitié, et que nous en avons le loisir, vous me feriez un plaisir extrême, et à Scévola aussi, je l'espère, si comme vous le faites pour toutes les autres questions qui vous sont soumises, vous nous exposiez ce que vous pensez de l'amitié, comment vous l'entendez, et quels précepetes vous en donnez. SCÉVOLA. Oui, certes, ce serait pour moi un plaisir extrême, et j'allais vous adresser cette demande quand Fannius m'a prévenu. Vous ferez donc quelque chose d'infiniment agréable pour tous les deux.


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