CICERON, PRO MILONE, CHAP. XII
CICERON, PRO MILONE, CHAP. XII
Num quid igitur aliud in iudicium uenit, nisi uter utri insidias fecerit? Profecto nihil: si hic illi, ut ne sit impune; si ille huic, ut scelere soluamur. Quonam igitur pacto probari potest insidias Miloni fecisse Clodium? Satis est in illa quidem tam audaci, tam nefaria belua, docere magnam ei causam, magnam spem in Milonis morte propositam, magnas utilitates fuisse. Itaque illud Cassianum 'cui bono fuerit' in his personis ualeat; etsi boni nullo emolumento impelluntur in fraudem, improbi saepe paruo. Atqui Milone interfecto Clodius haec adsequebatur, non modo ut praetor esset non eo consule quo sceleris nihil facere posset; sed etiam ut eis consulibus praetor esset, quibus si non adiuuantibus at coniuentibus certe, speraret posse se eludere in illis suis cogitatis furoribus: cuius illi conatus, ut ipse ratiocinabatur, nec cuperent reprimere si possent, cum tantum beneficium ei se debere arbitrarentur; et, si uellent, fortasse uix possent frangere hominis sceleratissimi conroboratam iam uetustate audaciam. An uero, iudices, uos soli ignoratis? uos hospites in hac urbe uersamini? uestrae peregrinantur aures, neque in hoc peruagato ciuitatis sermone uersantur, quas ille leges -- si leges nominandae sunt ac non faces urbis, pestes rei publicae -- fuerit impositurus nobis omnibus atque inusturus? Exhibe, quaeso, Sexte Clodi, exhibe librarium illud legum uestrarum, quod te aiunt eripuisse e domo et ex mediis armis turbaque nocturna tamquam Palladium sustulisse, ut praeclarum uidelicet munus atque instrumentum tribunatus ad aliquem, si nactus esses, qui tuo arbitrio tribunatum gereret, deferre posses. Atque per --- an huius ille legis quam Clodius a se inuentam gloriatur, mentionem facere ausus esset uiuo Milone, non dicam consule? De nostrum enim omnium -- non audeo totum dicere. Videte quid ea uiti lex habitura fuerit, cuius periculosa etiam reprehensio est. Et aspexit me illis quidem oculis, quibus tum solebat cum omnibus omnia minabatur. Mouet me quippe lumen curiae! |
Tout se réduit donc à savoir qui des deux a dressé des embûches à l'autre. Si c'est Milon, il faut le punir; si c'est Clodius, il faut nous absoudre. Mais comment prouver que Clodius a été l'agresseur? Lorsqu'il s'agit d'un scélérat, d'un monstre de cette espèce; il suffit de montrer qu'il avait un grand intérêt à faire périr Milon, et qu'il fondait sur sa mort l'espérance des plus grands avantages. Que le mot de Cassius : A qui l'action a-t-elle dû profiter? nous dirige donc et nous aide dans nos recherches. Si nul motif ne peut engager l'honnête homme à faire le mal, souvent un léger intérêt y détermine le méchant. Or, Clodius, en tuant Milon , ne craignait plus d'être subordonné, pendant sa préture, à un consul qui l'aurait mis dans l'impuissance de commettre le crime; il se flattait, au contraire, d'être préteur sous des consuls qui seconderaient ses fureurs, qui du moins fermeraient les yeux, et le laisseraient à son gré déchirer la république : en un mot, il espérait que ces magistrats, enchaînés-par la reconnaissance, ne voudraient pas s'opposer à ses projets, ou que, s'ils le voulaient, ils ne seraient pas assez puissants pour réprimer une audace fortifiée par une longue habitude du crime. Eh quoi! citoyens, êtes-vous étrangers dans Rome? et ce qui fait l'entretien de toute la ville, n'a-t-il jamais frappé vos oreilles? Seuls, ignorez-vous de que!les lois, si l'on peut nommer ainsi des édits funestes et destructeurs de la république, de quelles lois, dis-je, il devait nous accabler et nous flétrir? De grâce, Sextus, montrez ce code, votre commun ouvrage, que vous avez, dit-on; emporté de la maison de Clodius, et sauvé, comme un autre Palladium, du milieu des armes et du tumulte : votre dessein était sans doute, si vous rencontriez un tribun docile et complaisant, de lui remettre ce recueil instructif, ces précieux mémoires. Il vient de me lancer un de ces regards, qui jadis étaient si terribles. Certes mes yeux sont éblouis par ce flambeau du sénat. |
XII. Num igitur | XII. Est-ce que donc |
quid aliud | quelque chose d'autre |
venit in judicium, | vient en jugement, |
nisi, uter | sinon, lequel des deux |
fecerit insidias utri ? | a dressé des embûches à l'autre ? |
Profecto nihil. | assurément rien. |
Si hic illi, | Si celui-ci en a dressé à celui-là, |
ut ne sit impune : | que cela ne soit pas impunément : |
si ille huic, | si celui-là en a dressé à celui-ci, |
tum nos solvamur scelere. | alors que nous soyons absous du crime. |
Quonam igitur pacto | De quelle manière donc |
potest probari, | peut-il être prouvé, |
Clodium fecisse insidias | Clodius avoir dressé des embûches |
Miloni ? | à Milon? |
Est quidem satis, | C'est à la vérité assez, |
in illa bellua | au sujet de cette bête-féroce |
tam audaci, tam nefaria, | si audacieuse, si abominable, |
docere, magnam causam, | de faire-voir, un grand motif, |
magnam spem | une grande espérance |
fuisse propositam ei | avoir été offerte à lui |
in morte Milonis, | dans la mort de Milon |
magnas utilitates. | et aussi de grands avantages. |
Itaque illud Cassianum, | Aussi que ce mot de-Cassius, |
CUI FUERIT | A QUI l'action A-T-ELLE ÉTÉ |
BONO, | A BIEN (avantageuse), |
valeat in his personis : | ait-force au sujet de ces personnes : |
etsi boni | bien que les hommes vertueux |
impelluntur in fraudem | ne soient portés au mal |
nullo emolumento, | par aucun profit, |
improbi saepe | et que les pervers y soient portés souvent |
parvo. | par un petit profit. |
Atqui, Milone interfecto, | Or, Milon tué, |
Clodius assequebatur hoc, | Clodius arrivait à ceci. |
non modo | non seulement |
ut esset praetor, | qu'il fût préteur, |
non consule eo, | n'étant pas consul celui-là, |
quo posset | lequel étant consul il ne pouvait |
facere nihil sceleris ; | commettre rien de crime (aucun crime) |
sed etiam ut esset praetor, | mais encore qu'il fût préteur, |
his consulibus, | ceux-là étant consuls, |
quibus, | lesquels, |
si non adjuvantibus, | si non l'aidant, |
at certe conniventibus, | mais du moins fermant-les-yeux, |
sperasset, se posse | il avait espéré, lui pouvoir |
eludere rempublicam | se jouer de la république |
in illis furoribus suis | dans ces fureurs siennes |
cogitatis : | méditées : |
cujus illi, | duquel ceux-là, |
ut ipse ratiocinabatur, | comme lui-même il calculait, |
nec cuperent | et ne désireraient pas |
reprimere conatus, | de réprimer les tentatives , |
si possent, | s'ils le pouvaient, |
quum arbitrarentur | alors qu'ils estimeraient |
se debere ei | eux devoir à lui |
tantum beneficium ; | un si-grand bienfait ; |
et, si vellent, | et, s'ils le voulaient, |
fortasse vix possent | peut-être à peine pourraient-ils |
frangere audaciam | briser (abattre) l'audace |
hominis sceleratissimi | de l'homme le plus scélérat |
corroboratam jam | fortifiée déjà |
vetustate. | par une longue-habitude. |
An vero, judices, | Mais est-ce que, juges, |
vos soli ignoratis, | vous seuls l'ignorez, |
vos versamini | est-ce que vous vivez |
in hac urbe | dans cette villa |
hospites ? | comme si vous étiez des étrangers ? |
vestrae aures | vos oreilles |
peregrinantur, | sont-elles-en-d'autres-pays. |
neque versantur | et ne sont-elles-pas-habituellement |
in hoc sermone pervagato | au-milieu-de ce bruit répandu |
civitatis, | de la cité (qui occupe la cité), |
quas leges, | à savoir quelles lois, |
si sunt nominandae leges, | si elles doivent être nommées des lois |
ac non faces | et non des torches incendiaires |
urbis | de la ville |
et pestes reipublicae, | et des fléaux de la république, |
ille fuerit impositurus | ce Clodius aurait imposées |
atque inusturus | et aurait infligées |
nobis omnibus ? | à nous tous ? |
Exhibe, quaeso, | Exhibe, je t'en prie, |
Sexte Clodi, | Sextus Clodius, |
exhibe illud librarium | exhibe ce recueil |
vestrarum legum, | de vos lois, |
quod aiunt te | que l'on dit toi |
eripuisse e domo, | avoir arraché de ta maison , |
et sustulisse | et avoir enlevé |
ex mediis armis | du milieu des armes |
turbaque nocturna, | et du tumulte nocturne, |
tanquam Palladium, | comme un Palladium, |
ut videlicet | pour que sans-doute |
posses deferre | tu pusses apporter |
praeclarum munus | ce brillant cadeau |
atque instrumentum | et cette belle ressource |
tribunatus | d'un tribunat |
ad aliquem ; | à quelqu'un, |
si esses nactus, | si tu l'avais trouvé , |
qui gereret tribunatum | qui voulût exercer le tribunat |
tuo arbitrio. | à ton gré. |
Et me adspexit quidem | Et il m'a regardé vraiment |
illis oculis, | avec ces yeux, |
quibus solebat | avec lesquels il avait-coutume de regarder |
tum, quum minabatur | alors qu'il menaçait |
omnibus omnia. | tous les hommes de tous les maux. |
Quippe lumen curiae | Certes ce flambeau du sénat |
me movet. | me trouble. |